"Plus le temps passait, plus il osait" : aux assises de l’Ariège, un quadragénaire jugé pour plusieurs agressions sexuelles et viols sur son neveu et ses amis

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  • La session d’assises s’est ouverte ce jeudi après-midi au tribunal de Foix.
    La session d’assises s’est ouverte ce jeudi après-midi au tribunal de Foix. DDM - DDM OCEANE OULES
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l'essentiel Un homme de 44 ans est jugé jusqu’au 7 mai devant la cour d’assises de l’Ariège pour des faits de viols sur mineur.

3 minutes et 30 secondes : c’est le temps qu’il aura fallu à la présidente de la cour d’assises de Foix, dont la session s’est ouverte ce jeudi 2 mai, pour égrener la longue liste des faits reprochés à Fabrice*, quadragénaire habitant le Couserans. Il est en effet accusé de viols, d’agressions et d’atteintes sexuelles commis sur des mineurs de 15 ans et de captation et de détention d’images pédopornographiques, un dossier lourd que s’attacheront à juger les trois juges et les six jurés jusqu’au mardi 7 mai.

Pour autant, quand il s’assoit dans le box des accusés, Fabrice, vêtu d’un sage pull blanc sur une chemise sombre, ne paraît pas accablé par les crimes qui lui sont reprochés. Pour cause, pendant cette première après-midi de comparution, l’homme au visage lisse et rond, aux cheveux noirs qui commencent à se dégarnir sur le haut du crâne, ne se départit pas de sa contenance et ne laisse pas transparaître beaucoup d’émotions, répondant d’une voix claire aux questions de la cour et tient la même défense : il reconnaît seulement quelques faits et nie les autres. Ce ne sont pourtant pas ce que racontent les victimes, trois jeunes hommes nés entre 2004 et 2009.

Quatre enfants et adolescents victimes

Le premier à dénoncer les agissements est le neveu de Fabrice, Noé*, qui raconte à ses parents que son oncle lui a touché les fesses et le sexe à deux reprises. Habitant le Puy-de-Dôme, la plainte est déposée là-bas, mais une partie du dossier est transférée en Ariège au vu du lieu de résidence de Fabrice, qui dénonce "les théories aussi barjos que ses parents" de Noé. L’enquête des gendarmes finira par dénombrer trois autres victimes : Quentin*, fils d’un proche ami de Fabrice qui est son "parrain de cœur", Léo*, l’un de ses amis, et Louis*, fils d’une des amies du mis en cause.

Au cours d’une perquisition, l’ordinateur et les disques durs de Fabrice sont saisis. Dessus sont retrouvés 142 clichés pédopornographiques et des vidéos enregistrées par la webcam de l’ordinateur où l’on voit un homme tatoué faisant subir plusieurs actes sexuels à une personne non identifiée, mais d’apparence juvénile : les investigations feront apparaître qu’il s’agissait de Quentin. L’un des gendarmes ayant enquêté qui déposera en fin d’après-midi devant la cour décrira "un nombre éloquent de clichés" : "J’ai vu les photos, c’était assez impressionnant. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ça à ce niveau", ajoute le major. Si Fabrice admet avoir filmé les vidéos, il maintient que les clichés pédopornographiques étaient déjà sur l’ordinateur et qu’il ne les a pas téléchargés, en dépit de ses recherches Internet exhumées par les gendarmes contenant les mots-clés "teen", "young" ou "naturisme enfant".

Aussi entendues, les jeunes victimes décrivent chacune une longue série d’agressions. Tous décrivent un même modus operandi, celui où Fabrice les invite chez lui, où tout est permis – horaires de coucher tardifs, alcool, cannabis –, et les invite à dormir dans le même lit que lui, réveillant les jeunes garçons en leur imposant des fellations ou des masturbations. Même s’ils tentent de s’en prémunir – Louis explique s’être enroulé dans la couette et être descendu dormir sur le canapé –, les trois Ariégeois évoquent une honte et une peur "paralysante" : qui plus est, "plus le temps passait, plus il osait", dira Quentin, qui ne décrit pas de violences mais des moyens qui les faisait culpabiliser, le mis en cause promettant par ailleurs de leur acheter un téléphone, un ordinateur ou un quad.

Pourtant, Fabrice ne reconnaît que les faits concernant Quentin, filmé et dans lesquels il décrit "une relation consentie et voulue" par l’adolescent entre ses 11 et 15 ans même s’il a "mal agi", mais niera les autres accusations. Selon lui, Noé est "coutumier du mensonge" ; il n’a jamais cherché à avoir des relations avec Léo ; Louis est jaloux des cadeaux qu’il offrait à ses amis et a comploté avec les autres pour l’accuser.

Une personnalité charmeuse qui cache "une fêlure"

Le premier à se présenter à la barre est l’enquêteur de personnalité, auquel Fabrice, alors incarcéré, a juste parlé 15 minutes avant de s’énerver et de demander à retourner en cellule. Ce sont donc ses porches qui prendront la parole pour lui. Né en Allemagne d’une mère avec laquelle il a une relation fusionnelle et d’un père mort à ses 6 ans, décrit comme âpre et porté sur l’alcool, il arrive en France à 7 ans. Doté d’une mémoire exceptionnelle, avec l’oreille absolue, Fabrice brille à l’école après des premiers temps difficiles mais se repose ses facilités au lycée : premier échec de sa vie à cette période, quand un lycée de musique de Toulouse le refuse en raison de résultats trop faibles. Il se tourne vers l’électrotechnique et finit spécialiste en fibre optique, l’un des meilleurs éléments de l’équipe dixit son supérieur.

Gentil, sensible, intelligent, avec un bond fond, mais aussi colérique, qui aime se mettre en avant, qui n’a pas grandi dans sa tête, avec un rapport addictif au sexe… En creux des descriptions de ses proches se dessine un homme à d’apparence joviale, charismatique, fidèle en amitié, mais qui présente une "fêlure de vie" où se cachent ses défauts. C’est aussi ce que décrira la psychologue qui le rencontre deux fois en prison, "sidérée" par la colère qu’il lui oppose de prime abord : "Il s’est desservi en étant agressif, colérique sur ses conditions de détention, se décrivant comme un musicien libre qu’on ne peut pas enfermer", relate l’experte, qui avise aussi le jury d’une personnalité narcissique, avec un rapport à la réalité psychorigide et une nécessité de se faire valoir. Suite à une question de la défense, la psychologue reconnaît aussi que Fabrice, depuis ce rapport rédigé en 2020 et le procès d’aujourd’hui, a pu évoluer et que ses conclusions sont toujours à prendre avec précaution mais que ses traits au fond sont toujours là.

Du portrait se dessine aussi en relief l’addiction du mis en cause à l’alcool et au cannabis, qui lui ont valu plusieurs condamnations pour conduite sans permis et sous stupéfiants. À son actif aussi, une condamnation à de la prison ferme pour une séquestration violente, sur laquelle il ne veut pas s’étendre. "Enfin, 3 mois de prison avec mandat de dépôt, ce n’est pas rien", s’interroge la présidente. "J’ai voulu faire justice moi-même, j’avais été cambriolé et j’avais trouvé le coupable plus vite que la police, je lui ai fait comprendre que c’était pas bien", tente d’expliquer Fabrice. Il faut que la présidente lui demande trois fois comment il lui a fait comprendre pour que le quadragénaire, qui tourne autour du pot en parlant de "pas grande violence", "je l’ai un peu molesté", finisse par parler de "gifles" : "Pas de marrons", jure-t-il.

Envoyé en prison une première fois, ce qui le "détruit", il soutient que sa consommation d’alcool a augmenté après cet épisode. Aujourd’hui, pour sa deuxième détention, il décrit un environnement toujours difficile mais où il exerce une activité qui le fait sentir "utile, d’encore servir à quelque chose sur cette planète". Un seul incident est recensé, celui où sa mère tente de lui faire passer ce qu’elle dit être du CBD au parloir, mais Fabrice a entamé une démarche auprès du Service médico-psychologique régional (SMPR) pour "mettre des mots sur ce qui m’arrive, ce qui nous arrive" et "comprendre tout le mal que j’ai pu faire", première expression de remords qu’il a pu présenter jusque-là.

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